Après David Hockney, la Fondation Louis Vuitton consacre une rétrospective à Gerhard Richter jusqu’au 2 mars 2026. Moins connu du grand public qu’Hockney mais tout aussi coté, le peintre allemand né à Dresde en 1932 investit les quatre étages du bâtiment de Frank Gehry (sauf une salle réservée à une installation immersive de l’artiste danois Jakob Kudsk Steensen).
La visite laisse une impression durable tant l’exposition se révèle vertigineuse à plusieurs niveaux : par la profusion d’œuvres, la monumentalité de certains formats et ces tableaux qui semblent littéralement brouiller le regard. Elle impressionne aussi par la maîtrise avec laquelle l’artiste navigue entre médiums, disciplines et genres. Car s’il se définit comme un “peintre classique”, Richter s’éloigne de toute approche académique, même lorsqu’il s’attaque à la nature morte ou au paysage avec des sujets d’une banalité désarmante.
En parcourant les galeries de la Fondation, qui retrace l’évolution chronologique de son œuvre, on a presque l’impression de découvrir plusieurs artistes. Les six décennies couvertes (il a détruit ses œuvres antérieures à 1962 et cessé de peindre en 2017, tout en poursuivant le dessin) révèlent un artiste qui, tout en travaillant à partir de photographies dans son atelier, a su s’ancrer dans son temps. Richter aborde des sujets historiques, dialogue avec les grands courants de l’art contemporain, sans se laisser enfermer.
Face aux 275 œuvres exposées, difficile de cerner un véritable “style Richter”, tant son travail échappe à toute étiquette – même si certains motifs et techniques sont récurrents. L’ensemble donne plutôt à voir une quête personnelle, traversée par le flou et le reflet, qui interroge notre rapport à la réalité, à la perception et à l’image elle-même. Les œuvres de Richter occupaient d’ailleurs une place majeure dans la récente exposition Dans le Flou du musée de l’Orangerie, et certaines de ses toiles abstraites évoquent les Nymphéas de Monet, tant par leur profondeur que par leur pouvoir d’immersion. Pourtant, l’effet n’a rien de méditatif : on en sort lessivé, mais l’âme apaisée, comme après une séance chez le psy.


